Lors de la conférence « L’apprentissage adaptatif pour aider chaque élève », Benjamin Clément, docteur en informatique, spécialiste de l’intelligence artificielle appliquée à l’éducation, a présenté et explicité le mode de fonctionnement de l’algorithme utilisé par les logiciels d’EvidenceB, Adaoptiv’math et Adaptiv’langue.
« Tout le monde est différent, tout le monde n’est donc pas dans les mêmes dispositions pour apprendre » introduit Benjamin Clément. « Les enseignants et enseignantes le savent, ils et elles y sont confrontés tous les jours ».
Pour construire ses séances, les systèmes informatiques d’apprentissage – ce que l’on appelle les Systèmes Tuteurs Intelligents (en gros les logiciels d’apprentissage), s’appuient sur plusieurs éléments : le modèle d’apprentissage (qu’est-ce que l’élève doit apprendre), le modèle de l’apprenant (quel est le niveau de l’élève), le modèle tuteur (qui croise les deux précédents éléments pour accompagner au mieux les élèves, pour proposer la meilleure activité possible) et le modèle de l’interface utilisateur qui fournit les informations et les interactions à l’apprenant (l’activité soumise à l’élève).
Pour expliquer son propos, le chercheur rappelle la définition d’un espace pédagogique qui est composé de deux dimensions : les types d’activités et le niveau de difficulté. Une autre dimension est importante lorsqu’il s’agit d’activités différenciés sur un support numérique : la présentation de l’activité.
« Une famille d’exercices représente donc toutes activités déclinées en une sélection particulière des différentes valeurs de chaque dimensions » explique-t-il. « C’est ainsi qu’a été pensé et fonctionnent Adaptiv’Math et Adaptiv’Langue ».
Quelles sont les activités les plus pertinentes qui favorisent les apprentissages et la motivation ?
S’appuyant sur les travaux du Flow (Czikszentmihalyi,1975), Benjamin Clément affirme que pour un « résultat » optimal, il faut trouver le moment où le « challenge » de l’activité proposée rencontre la compétence de l’apprenant. Dans ce cas précis, l’apprenant sera pleinement engagé dans l’activité. Si on lui propose des activités dont le challenge est bien trop faible par rapport à sa compétence, il s’ennuiera. Si au contraire, le challenge est trop élevé, cela produira du stress.
Pour arriver à trouver « ce moment », le chercheur et son équipe, ont étudié les modèles du développement de l’enfant en cherchant à mettre à jour ce qui motive l’enfant à apprendre lorsqu’il entre dans une activité. « Les enfants passent plus de temps sur une activité dans laquelle il progresse, ils sont intrinsèquement motivés » déclare Benjamin. « On éprouve du plaisir et de l’engagement dans une activité dans laquelle on a une marge de progression, adultes comme enfants ». Et cela fonctionne aussi pour les robots souligne-t-il.
Un algorithme pour un accompagnement « sur mesure » des élèves
A partir de ce constat, le chercheur s’est attaché à trouver « comment gérer l’espace d’activité en exploitant le progrès en apprentissage » pour développer un algorithme qui permette la création de logiciels efficients dans l’accompagnement différencié des élèves.
L’algorithme, ZPDES (Zone of Proximal Development and Empirical Success) est donc inspiré de ces résultats.
Son architecture se déploie en plusieurs points :
- L’espace d’activité
- Une estimation du progrès en apprentissage pour chaque dimension (en fonction du taux de réussite)
- L’utilisation d’un algorithme de bandit multi-bras pour explorer et exploiter les bonnes valeurs dans chacune des dimensions.
La génération d’une famille d’exercice se fait donc selon chaque dimension et leurs valeurs. Une valeur dimensionnelle choisie en fonction de sa qualité établit en fonction du progrès qu’amène l’activité. À la suite de la réponse de l’apprenant, l’algorithme évalue son progrès et en fonction de cela il met à jour la qualité des valeurs choisies. Pour le dire simplement, à la lecture de la réponse, l’algorithme adaptera l’activité suivante pour faire progresser l’élève.
Pour circoncire les activités proposées à l’élève aux connaissances déjà acquises, l’algorithme se base sur la zone proximale de développement. Lorsqu’il se rend compte que l’élève commence à maitrises ses activités, il propose d’autres niveaux d’activités et désactive le niveau déjà acquis. Les exercices proposables aux élèves évoluent donc au fur et à mesure de leurs acquisitions.
Les effets et les résultats de l’algorithme ont été vérifiés et étudiés dans deux campagnes expérimentales au sein d’écoles : 1 000 élèves dans l’académie de Bordeaux – plus de six mois d’expérimentation, et une deuxième sur 600 élèves de CE1. Et selon le chercheur, c’est plus que probant, ça fonctionne ! « Avec l’algorithme les élèves atteignent et réussissent en moyenne des activités beaucoup plus hautes et avancent plus vite » conclut le chercheur. « Même si l’algorithme n’a pas vraiment d’impact sur la motivation, le fait de donner du choix à l’élève – sorte de gamification – a rendu les élèves beaucoup plus motivés à travailler et à s’investir dans l’apprentissage ».
Lilia Ben Hamouda
Une conférence à visionner ici
Les nouvelles technologies.révolutionnent les conditions d’enseignement/apprentissage en remettant en question approches, méthodes, rapports au savor, à l’enseignant, aux parents et aux chercheurs et les valeurs de l’école.
Les débats ouverts à différents idéaux n’arrivent pas à trancher car les attentes des élèves évoluent sans cesse, les référentiels de formation et les profils des enseignants connaissent des perspectives peu claires.