La table ronde intitulée « Filles et maths : l’équation impossible ? » a permis d’interroger les inégalités persistantes entre filles et garçons dans les parcours scientifiques, notamment en mathématiques. Les études montrent qu’un écart en faveur des garçons apparaît dès le cours préparatoire, et ne cesse de se creuser au fil de la scolarité. Cet écart contribue à une orientation genrée des carrières, et à une sous-représentation persistante des femmes dans les domaines scientifiques, technologiques et d’ingénierie (STEM).
Les constats : un décrochage progressif des filles
Selon Christophe Hérault, professeur de mathématiques au lycée Pierre-Gilles de Gennes, de nombreuses lycéennes abandonnent la spécialité mathématiques, souvent non pas par manque de compétences, mais par manque de confiance en elles. Il témoigne d’une auto-censure fréquente : les filles craignent de ne pas « assurer » malgré de bons résultats. Le phénomène de désengagement n’est donc pas strictement lié à la performance, mais à la perception qu’elles ont de leurs capacités.
Leïla Bessila, doctorante en astrophysique à l’École des Mines de Paris, renforce ce constat en évoquant des freins socio-culturels puissants. Elle met notamment en lumière le syndrome de l’imposteur, très fréquent chez les jeunes filles dans les disciplines scientifiques. À travers des ateliers pédagogiques menés avec des élèves, elle travaille sur l’image des sciences et la déconstruction des stéréotypes de genre.
Des causes multiples
Una McCarthy-Fakhry, experte en genre et éducation à l’UNESCO, rappelle que les femmes ne représentent que 35 % des diplômé·es des filières STEM. Elle observe que les filles nourrissent une peur plus marquée vis-à-vis des mathématiques, en partie liée à des facteurs culturels et sociaux. Pour elle, les familles, les médias et les institutions éducatives ont un rôle crucial à jouer pour inverser cette tendance. Elle appelle à une prise de conscience collective et propose de s’appuyer sur les nombreuses ressources produites par l’UNESCO sur ce sujet.
Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives au CNRS et membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, insiste sur la complexité de la question. Il souligne que les écarts observés entre filles et garçons en mathématiques résultent d’une interaction de facteurs multiples : sociaux, cognitifs, biologiques et langagiers. Il note par exemple que certaines différences cérébrales existent, mais qu’elles ne permettent pas d’expliquer à elles seules les écarts de performance. Il met également en cause l’organisation genrée au sein des familles, qui pourrait impacter les performances scolaires des filles.
Des pistes pédagogiques concrètes
Pour faire évoluer la situation, plusieurs leviers pédagogiques sont proposés :
- Réaménager les dynamiques de classe afin de donner davantage la parole aux filles et les encourager à participer activement.
- Travailler sur l’image des sciences avec les élèves dès le collège et le lycée, en abordant les stéréotypes de manière directe.
- Former les enseignants aux questions de genre, pour leur permettre d’identifier et de corriger les biais inconscients.
Selon les résultats 2023 de l’étude internationale TIMSS, la France est l’un des pays les plus en difficulté en mathématiques au niveau du CM1, et affiche l’écart de performance entre filles et garçons le plus important de tous les pays de l’OCDE. Ces inégalités ne sont donc pas seulement scolaires : elles sont aussi le reflet d’un environnement social genré, qui freine les ambitions scientifiques des filles dès le plus jeune âge.
La table ronde a mis en évidence que les inégalités entre filles et garçons en mathématiques ne relèvent pas d’une différence de capacité, mais d’une construction sociale, culturelle et éducative. Loin d’être une « équation impossible », l’objectif d’égalité dans les filières scientifiques suppose une mobilisation collective : enseignants, familles, médias et décideurs doivent agir de manière coordonnée pour faire évoluer les représentations et soutenir les ambitions des jeunes filles.
Djéhanne Gani
Quelques lectures :
Des ressources de l’Unesco
boosting_gender_equality_in_science_and_technology.pdf
Changing the equation : securing STEM futures for women – UNESCO Digital Library
Support girls and women to pursue STEM subjects and careers: advocacy brief – UNESCO Digital Library
April 2021: Female science and mathematics teachers: Better than they think? | IEA.nl
Lien vers la vidéo : Conférence Terrains Innovants Table ronde Filles et Maths l’équation impossible 2 avril 2025