Comment les futurs algorithmes d’intelligence artificielle peuvent-ils inclure les mécanismes de la curiosité ? Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) de Bordeaux évoque les possibles de l’IA en lien avec la recherche fondamentale sur l’apprentissage. Cette conférence Terrains Innovants proposée par le Café pédagogique en lien avec la société Evidence B profile peut-être une partie des changements futurs du monde éducatif.
Le moteur de la curiosité
La dernière conférence Terrains Innovants proposée par le Café pédagogique avait pour thème IA et curiosité. « L’intelligence artificielle peut-elle contribuer à stimuler la curiosité et la méta-cognition chez les enfants ? ». A partir de la recherche fondamentale, Pierre-Yves Oudeyer explique que des applications « déployées à grande échelle » peut toucher le monde éducatif. « Quand les enfants et les adultes sont un état de curiosité, ils mémorisent mieux. Il y a une corrélation entre la curiosité identifiée des enfants et la prédiction de leur réussite scolaire », rappelle le chercheur en citant les travaux de Stahl et Feigenson en 2015 et ceux de Sturmm en 2011.
Prenant comme exemple, « les écoles à la Montessori », l’intervenant rappelle l’utilité de laisser des espaces de liberté et d’apprentissage permettant aux enfants d’exprimer spontanément leur curiosité. « Parmi les mécanismes qui jouent un rôle important dans le processus d’apprentissage, il y a à la fois un mécanisme interne lié à la curiosité et la spontanéité ; et des mécanismes externes liés au guidage de l’environnement social comme le rôle du langage ».
Avec l’appui de vidéos issues de travaux de recherche, Pierre-Yves Oudeyer montre l’importance et les capacités d’inventivité des enfants. Nouveautés, surprises, situations d’apprentissage ni trop faciles, ni trop difficiles sont ainsi « très appréciées par le cerveau ». Les motivations intrinsèques sont au cœur de sujets de recherche dans les laboratoires. Il s’agit notamment de trouver ce qui est classé comme « expérience intéressante pour le cerveau humain ». Le secret résiderait dans un dosage non excessif de difficultés et de progrès pour l’apprenant. « Les activités trop faciles ou impossibles seront évitées par l’élève ».
Le plus bluffant de la conférence est sans doute la vidéo montrant un robot « guidé par la curiosité ». Pierre-Yves Oudeyer en conclut que « si on utilise des méthodes qui visent uniquement à optimiser un objectif que l’on impose des machines, dès que le problème devient un trop compliqué alors ces méthodes ne fonctionnent plus ». Une méthode plus efficace convient donc à considérer un ensemble d’objectifs plus large dans lequel il y a une liberté d’organisation. « Par exemple, en se focalisant sur celle qui procure le plus de progrès dans les apprentissages ».
Quelle place pour les agents conversationnels ?
Le chercheur aboutit à la présentation de logiciels qui permettent de personnaliser les apprentissages. « Ces systèmes tutorés intelligents sont produits par des experts en didactiques ». Avec un travail sur 30 classes et 1000 enfants en région Aquitaine, le chercheur liste des résultats qui montrent que « l’utilisation d’un algorithme qui personnalise les parcours avait un impact par rapport à un curriculum désigné à la main ».
Enfin, Pierre-Yves Oudeyer insiste sur l’utilité « d’aider les enfants à formuler des questions curieuses. Il est important que le cerveau s’aperçoive qu’il lui manque quelque chose. La formulation de question est parfois problématique en classe ». Des agents conversationnels en ligne sont alors prévus pour répondre aux élèves sur le logiciel. Chat GPT3 pourrait être aussi utilisé pour « proposer des indices aux élèves »…
Julien Cabioch