Comment les traces numériques des élèves peuvent-elles aider les enseignants ? Les tableaux de bord et le clustering étaient au cœur de la dernière conférence des terrains innovants organisée par le Café pédagogique en partenariat avec la société Evidence B. François Bouchet, maître de conférences, expose des outils et des méthodes issues de la recherche pour suivre la progression des élèves. Des résultats d’exercices à la prescription d’un parcours d’apprentissage, les possibles de l’intelligence artificielle, elle-même nourrie par les travaux d’élèves, sont nombreux.

Un tableau de bord, des tableaux de bord

Comment suivre la progression des élèves grâce à un tableau de bord ? François Bouchet, maître de conférence à l’université Paris-Sorbonne, explique pendant une heure les mérites de l’intelligence artificielle sur le suivi des élèves. « Les traces éducatives » ou brouillon numérique sont au cœur des recherches de l’expert. L’idée est de créer des profils apprenants pour « que les enseignants ciblent mieux les besoins des élèves. Sur des plateformes numériques, des traces numériques sont laissées à chaque moment par les élèves », explique le chercheur qui exploite notamment ces traces brutes lors de ses travaux de recherche.

Lors de son intervention, François Bouchet détaille les possibles des tableaux de bord éducatif comme suivre les travaux réalisés par les élèves, les résultats des élèves, leur engagement et surtout « des données issues des tâches effectuées sur des logiciels d’apprentissage ». Le spécialiste des « learning analytics » ajoute que : « les tableaux de bord permettent de voir quelles sont les compétences travaillées par les élèves » et grâce aux couleurs de visualiser si ces compétences sont acquises ou non acquises.

Quand l’IA fait des prescriptions

Citant les travaux de Gartner de 2014, le chercheur distingue quatre catégories d’informations disponibles sur un tableau de bord : les analyses descriptives « exemple : tel élève n’a pas réussi un exercice » ; les analyses diagnostiques « explication de l’échec d’un exercice » ; les analyses prédictives « essayer de prédire ce que l’élève va faire en fonction de ce qu’il a déjà fait » et les analyses prescriptives « il ne s’agit pas de remplacer l’enseignant mais de donner des pistes ou exercices pour aider les élèves », précise tout de même François Bouchet qui travaille avec Evidence B.

Pour lui, « les indicateurs prescriptifs sont probablement les plus intéressants. Le tableau de bord numérique permet de cibler le meilleur moment pour laisser l’élève chercher ». Le spécialiste distingue la notion de tâche de celle de processus. « D’après les recherches récentes, les feed-back sont plus efficaces sur les processus que sur les tâches ». Pour le chercheur, l’enseignant qui passe dans les rangs distingue moins d’éléments pertinents sur le travail des élèves que assis devant son ordinateur avec un tableau de bord.

François Bouchet voit tout de même des limites dans le tableau de bord numérique : « tous les enseignants n’interprètent pas les données de la même manière. Quand le tableau de bord est riche, les enseignants ne vont pas toujours se focaliser sur les mêmes données ». Selon lui, la solution passe par la co-conception du tableau de bord en impliquant les enseignants, le tout pour aboutir à « une culture de visualisation des tableaux de bord qui se développe chez les enseignants. »

Des élèves prototypiques

Dans la seconde partie de la conférence, François Bouchet détaille le principe du clustering « dans un environnement d’apprentissage adaptatif. L’idée est de regrouper des élèves similaires qui ont rencontré les mêmes problèmes au cours du parcours d’apprentissage ».

L’algorithme de clustering va effectuer le regroupement selon les choix des enseignants. Certains élèves qualifiés de prototypiques vont permettre de caractériser les clusters. « L’algorithme fonctionne sur un apprentissage non supervisé. Le résultat est guidé par les données et non par les connaissances du départ. Plus il y a d’informations enregistrées sur les activités des élèves et plus le résultat sera précis ». Les enseignants de mathématiques reconnaîtront des similitudes avec le site labomep de Sésamath qui permet de voir la progression et le temps passé par exercice de chaque élève.

« Cette approche est fondée sur les données. Il faut donc en collecter un grand volume pour représenter le maximum de profils », ajoute le chercheur qui cite l’algorithme SACCOM (Student Activity Clustering for Classroom Orchestration & Monitoring) qu’il a mis en place avec sa collègue Fatima Harrak. Temps de réponse, gain d’apprentissage, nombre d’exercices réussis :  les choix des paramètres pour créer les groupes sont multiples pour les enseignants. « Il ne s’agit pas de dire aux enseignants quoi faire mais de proposer des suggestions d’interventions possibles et de le guider dans sa pratique », conclut François Bouchet.

Quid du cahier ?

Parmi les questions posées par les spectateurs, l’une pointe la non-utilisation du cahier dans la réflexion des élèves. « Les traces produites par les logiciels sont nécessaires pour alimenter les tableaux de bord », répond le chercheur. Un travail sur PC ou sur tablette est donc requis.

Un autre problème risque de se poser pour les enseignants qui veulent proposer leurs propres exercices. « Sur le principe rien ne s’oppose à rentrer des exercices, mais il faut alors bien les indexer ». Une question de temps …

Julien Cabioch

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